J’explique: Comment fonctionnent les assurances santé aux États-Unis?

Contrairement à la France, les États Unis dépendent d’un système de santé privatisé avec 68% de sa population couverte par une assurance privée, similaire à une mutuelle française, le plus souvent fournie par son employeur. Le gouvernement finance des couvertures médicales seulement pour les personnes agées de plus de 65 ans ou handicapées (Medicare) et les familles avec enfants les plus démunies (Medicaid). Malheureusement, parce qu’ils ne sont pas eligibles pour des aides gouvernementales et qu’ils n’ont pas les moyens de payer une assurance privée, 26.1 million d’américains, soit 8% de la population, n’étaient pas du tout assuré en 2019. D’après une étude récente du Pew Research Center, 63% des américains seraient en faveur d’un système de santé publique unique et accessible à tous.

Les assurances médicales peuvent paraitre chère aux États-Unis, surtout si vous n’avez pas la chance d’être assuré par votre employeur. Cependant, elles restent essentielles car les coûts médicaux sans assurances peuvent être exhorbitants. Selon le site de l’Obamacare, une jambe cassée peut coûter 7500$, trois jours à l’hôpital coûtent en moyenne 30 000$ et un traitement contre le cancer peut coûter plusieurs centaines de milliers de dollars. Et bon courage pour trouver une assurance abordable une fois que vous êtes malade!

Être assuré via son employeur

Parlons-en étant donné que c’est ce qui permet à la majorité des américains d’être assuré. En effet, la moitié de la population américaine est assurée par son employeur. Concrètement, l’entreprise négocie des contrats avec des compagnies d’assurances médicales privées afin d’offrir ce bénéfice à ses employés. Le but pour les entreprises est de rester compétitif sur le marché du travail et d’attirer les meilleurs employés en leur offrant ces bénéfices en plus du salaire. Donc quand on cherche du travail aux États-Unis, il faut faire bien attention à ces “extras” avant d’accepter une offre d’emploi. Cela inclut les assurances médicales (santé, vue, dentaire), et les comptes de retraites. Personnellement, je n’accepterai pas un emploi qui n’offre pas d’assurance santé, car acheter une assurance privée soi-même est souvent très cher et se retrouver à l’hôpital avec une jambe cassée sans assurance peut coûter plusieurs dizaines de milliers de dollars…

En règle générale, il faut avoir été employé un minimum de trois mois afin d’être assuré par son employeur (donc éviter les sports extrêmes pendant ces trois premiers mois!). Selon l’offre de l’entreprise, soit elle couvre entièrement le coût de l’assurance, soit l’employé doit en payer une partie. Dans ce dernier cas, le coût de l’assurance est souvent déduit directement de son salaire. Le coût peut atteindre quelques centaines de dollars par mois, et se multiplier si l’on souhaite ajouter son époux/se et/ou ses enfants à l’assurance. Cela peut paraitre cher mais c’est très avantageux car obtenir une assurance soi-même peut coûter plus de 1 000$ par personne par mois.

Alors que c’est une chance d’être assuré par son employeur, cela présente également certains inconvénients. Par exemple, les américains choisissent rarement de partir à la retraite avant 65 ans car ils perdront leur assurance médicale et ne pourront pas encore bénéficier des aides gouvernementales (Medicare). Les assurances privées étant souvent très onéreuses, ils ne souhaitent pas dépenser leurs économies dans une assurance et préfèrent attendre 65 ans. De plus, les américains refusent parfois des offres de travail car l’entreprise offre des bénéfices santé moins intéressants que son entreprise actuelle, ce qui peut engendrer des dépenses supplémentaires à l’année. Vice versa, on peut changer d’entreprise sans augmentation de salaire (ou avec, c’est encore mieux!) si les assurances santé ou comptes de retraite sont plus avantageux…

Le coût des soins

Etre assuré est une très bonne chose, mais ça ne veut pas forcément dire que les dépenses sont finies… En effet, d’après une étude récente de Clever, un foyer américain dépense en moyenne 5 000$ en soins médicaux par an.

Voici les types de dépenses que l’on peut avoir:

“Copay”: c’est un montant fixe que l’on doit dépenser à chaque visite chez le médecin. Le montant diffère selon votre assurance, et selon le type de visite. Par exemple, si votre assurance affiche un “copay” de 20$ pour la médecine générale, 50$ pour un spécialiste, $30 pour Urgent Care et 60$ pour les urgences, ça signifie que vous devrez dépenser ce montant de votre poche à chaque visite. Selon l’assurance, vous pouvez bénéficier d’un certain nombre de rendez-vous médicaux gratuits pour encourager les visites préventives, comme un contrôle annuel chez votre généraliste, dermatologiste, gynéco, une prise de sang, etc…

“Deductible”: c’est un montant annuel à atteindre et à payer de votre poche avant que l’assurance couvre vos soins. Par exemple, votre assurance a un “deductible” de 5 000$, vous allez à l’hôpital pour une jambe cassée et la facture totale est 20 000$, vous devrez d’abord dépenser 5 000$ de votre poche avant que l’assurance couvre ou partage le reste de la facture avec vous (voir “Coinsurance” ci-dessous). Si vous avez des soins en dessous de 5 000$ tout au long de l’année, vous devrez les payer jusqu’à accumuler le plafond de votre “deductible”. Le “deductible” est un plafond annuel, donc une fois qu’il est atteint et payé, vous n’aurez plus besoin de le payer jusqu’à la nouvelle année, quelque soit le prix de vos futurs soins. Certaines assurances n’ont pas de “deductible” et couvriront vos soins à 100%, dès le premier centime. Le montant du “deductible” dépend souvent du prix du “premium” (voir plus bas).

“Coinsurance”: c’est un partage des dépenses médicales avec votre assureur. Concrètement, si vous avez une “coinsurance” de 20%, vous devrez payer 20% de la facture, et l’assurance payera les 80% restant. En général, ce pourcentage s’applique après le “deductible”, c’est-à-dire que vous devrez payer le deductible à 100% et le reste de la facture à 20%. Par exemple, pour une facture totale de 20 000$, avec un “deductible” de 5 000$ et une “coinsurance” de 20%, vous devrez payer 8 000$ de votre poche: 5 000$ (“deductible”) + $3 000$ (20% des 15 000$ restant). Certaines assurances n’ont pas de “coinsurance” et couvre vos soins à 100%, avec ou sans “deductible”.

“Premium”: c’est tout simplement le prix de votre assurance et c’est un montant fixe à payer tous les mois. Si vous achetez une assurance médicale vous-même, ce sera le même principe que lorsque vous achetez une assurance auto… Selon les bénéfices choisis, le “premium” sera plus ou moins élevé. En général, ce qui fait la différence est le montant du “deductible” (expliqué ci-dessus). Plus votre “premium” sera bas, plus votre “deductible” sera élevé. Et vice-versa. Le “premium” doit être payé, même si l’assurance n’est pas utilisé. Si l’assurance vous est fournie par votre employeur, ce dernier peut couvrir à 100% le coût du “premium” ou vous demandez une participation.

Le “network”: c’est quoi?

Le “network” est un aspect important des assurances médicales aux États-Unis qu’il faut prendre en considération pour choisir ses médecins. Pour faire simple, les assureurs signent des contrats avec des médecins et des hôpitaux pour qu’ils fassent parti de leur “network”. Ces derniers, en signant le contrat, acceptent les prix déterminés par l’assureur pour chaque type de soin et ne chargera pas l’assuré plus d’argent.

Donc en choisissant un médecin ou hôpital qui fait parti du “network” de votre assureur, vous serez certain qu’il couvrira le coût des soins médicaux au maximum et que vous n’aurez à payer que ce qui est pré-déterminé par votre contrat d’assurance (“copay”, “coinsurance”, etc…). Si vous allez chez un médecin qui ne fait pas parti de votre “network”, vous pouvez être amené à dépenser beaucoup plus, car l’assurance payera selon ses limites de prix, et le médecin aura le droit de vous envoyer une facture pour ce que l’assurance ne couvre pas.

Lorsque vous avez rendez-vous avec un nouveau médecin, dentiste ou autre, qu’il fasse parti du network ou non, je recommande (par expérience) de toujours appeler en avance pour leur donner les informations de votre assurance, afin qu’ils vérifient votre couverture, et qu’ils vous donnent une estimation de ce que vous devrez payer de votre poche. Vous serez parfois surpris par les factures qui vous attendent, et vous pouvez comparer les prix avec d’autres médecins. Étant donné que les assurances diffèrent complètement d’un patient à l’autre, les cabinets médicaux ont souvent des aides administratives pour s’occuper de cet aspect de leur profession. Il est donc facile de les contacter afin d’obtenir plus d’informations.

Et l’Obamacare dans tout ça?

L’Obamacare, aussi connu sous le nom de Affordable Care Act, est un marché d’assurances privées créé par l’État en 2010 destiné aux citoyens américains qui n’ont pas d’assurance fournie par leur employeur ou accès à Medicare ou Medicaid. Les citoyens peuvent s’incrire sur un site en ligne, healthcare.gov, ouvert chaque année du 1er novembre au 15 décembre.

Après avoir rempli un questionnaire rigoureux, les personnes vont pouvoir obtenir une subvention de l’État (“Premium tax credit”) qui va leur permettre de choisir et payer une assurance parmi un panel de plans proposés sur le site. La subvention est basée sur le niveau de pauvreté fédéral et est calculée selon le niveau du revenu annuel du ménage. Plus le revenu sera bas, plus la subvention sera conséquente. Grâce à cette aide, le prix de l’assurance sera considérablement réduit.

A noter que toutes les assurances offertes sont contraintes de couvrir un panier minimum de services, y compris des services de préventions. Grâce à l’Obamacare, les assureurs avaient également l’interdiction de refuser d’assurer des personnes atteintes de maladies prééxistantes, pour lesquelles ils étaient auparavant impossible d’acheter une assurance à un prix raisonnable. En 2020, plus de 20 millions d’américains étaient assurés via Obamacare.

Témoignages d’expats

Voici quelques témoignages d’expats pour en apprendre plus, et avoir des exemples concrets d’assurances médicales aux États-Unis. Merci à elle d’avoir partagé leur expérience!

Pauline (@unebretonneenamerique), une expat en Pennsylvanie, nous explique concrètement ses dépenses médicales et le fait que les assurances peuvent refuser de couvrir des frais médicaux si les médecins ne font pas parti du network ou s’ils estiment que les soins ne sont pas nécessaires: “Nous avons une assurance santé avec le travail de mon mari. L’entreprise paye une partie et nous payons 100$ par semaine de notre poche pour nous deux. Et cela ne prend pas tout en charge. Nous devons toujours payer de notre poche les visites de médecins: 25$ pour un médecin traitant, 50 à 75$ pour un spécialiste, 50$ pour les urgent care et 150$ pour les urgences. Tout ça seulement pour la visite. Pour le reste des soins, nous avons un montant que nous devons atteindre avant que l’assurance ne prenne en charge les frais à 80% – le montant est de 500$ chacun (“deductible”). Cela met du temps à atteindre car les frais de visites, examens, etc. n’en font pas parti. Donc ça ne s’accumule pas. L’assurance se permet aussi de dire non à des examens, même si ton médecin les demande, s’ils estiment qu’ils ne sont pas nécessaires. Ca peut être un énorme gouffre financier lorsque tu as des soucis de santé. Cela m’est arrivé l’an dernier et à mon mari cette année. J’avais une boule sous l’aisselle, donc mon docteur voulait me faire passer un scanner mais l’assurance a refusé en disant que ce n’était pas nécessaire. Mon médecin a dû insiter jusqu’à devoir faire une échographie d’abord pour justifier le scanner. Et mon mari cette année a dû faire une échographie de la gorge et l’assurance a envoyé la facture en disant qu’on devait la prendre en charge parce que ce n’était pas nécessaire. Il a dû contacter notre docteur encore une fois pour justifier l’examen. Il faut également faire attention où l’on va car il faut que le médecin ou l’hôpital fasse parti du “network” de l’assurance, sinon les frais ne seront pas couverts. Par exemple, mon mari a dû contester une facture parce qu’il a été opéré, le chirgurien et la clinique étaient dans notre “network” mais pas l’anesthésiste. Nous n’avions pas choisi l’anesthésiste donc l’assurance a accepté de contester la facture avec les médecins. Et tout ça n’inclut pas le dentaire et la vue!

Emilie (@milouaime), une maman de trois filles expatriée dans l’Arkansas, nous explique comment elle doit organiser les visites médicales de sa famille pour éviter trop de dépenses d’un coup, malgré une bonne assurance offerte par l’entreprise de son mari: “Nous sommes une famille de 5, expatriés aux USA depuis l’été 2019. L’entreprise de mon mari prend en charge l’intégralité des frais dédiés à l’assurance santé, ce qui est une chance. En revanche, l’assurance santé en question n’est pas référencée dans tous les cabinets de santé et lorsque cela arrive nous devons réaliser les avances de frais. Les consultations pédiatriques de base coûtent 180$. Avec trois enfants, pendant les périodes chargées en microbes, la facture peut très vite être lourde. Pour l’optique, nous commes extrêmement mal remboursés et les tarifs montures + verres sont élevés. Pour le remplacement de lunettes de deux de mes filles l’été dernier, j’ai dû mettre 400$ de ma poche alors que je n’ai jamais payé de frais résiduels en France. Je dois également avancer les montants des médicaments. Une fois, pour traiter des problèmes ORL d’une de mes filles, j’ai dû avancer un médicament d’une valeur de 250$. Bref, dans ce contexte et vu les besoins de trésorerie dédiés aux frais de santé, on est très regardant pour essayer d’étaler nos rdv médicaux. Clairement, on ne vas tous aller chez le dentiste le même mois alors que ce sont des questions que je ne me suis jamais posée avant de vivre ici. Je n’imagine même pas comment une famille en difficulté peut faire, si ce n’est éviter les soins quand ce n’est pas absolument nécessaire…

Moi-même, Nolwenn (@tresamerican), l’auteure de cet article, je vous raconte ma situation: “De ma part j’ai beaucoup de chance. Je travaille pour une agence gouvernementale donc j’ai parmi les meilleures assurances médicales aux US. Je ne paie pas de premium, et quasiment tous mes soins sont pris en charge par mon assurance à 100%. Ce qui me fait bizarre est le fait de ne pas avoir accès à tous les médecins ou hôpitaux, car il faut qu’ils fassent parti du ‘network’ de l’assureur. C’est le cas aussi pour les médicaments: mon médecin vérifie d’abord si mon assurance couvre certains médicaments avant de me les prescrire sinon elle devra demander le générique ou me prévenir que ça va surement me coûter cher. On m’a proposé une crème dermatologique à 350$, mais j’ai refusé, et une fois mon médecin n’a pas demandé le générique de ma pilule et la pharmacie a voulu me faire payer 600$ pour la marque. Ce qui me coûte encore cher est le dentiste. Déjà une, d’un dentiste à l’autre, vous aurez un prix complétement différent, même s’ils acceptent tous les deux l’assurance. La première fois que je suis allée faire un détartrage, le dentiste m’a envoyé une facture de 200$, après avoir accepté l’argent de mon assurance! Je n’y suis jamais retourné… Mon assurance dentaire couvre 1500$ de soins par an, et c’est une coinsurance donc à chaque soin, je dois payer 20% des coûts. Pour donner un exemple, il y a deux ans, j’ai du dévitaliser une dent et ensuite la protéger avec une couronne. Le prix de la dévitalisation (qui ne se fait pas chez le dentiste ici, mais l’endodentiste, un spécialiste): 1 500$. Comme c’était mon premier soin, l’assurance a couvert 80%, donc 1 200$, et j’ai payé les 20% restant, soit 300$. Ensuite, la couronne coûtait 1 500$ de plus, mais étant donné que mon assurance ne couvre mes frais qu’à hauteur de 1 500$ par an et qu’elle a déjà dépensé 1 200$ pour la dévitalisation, elle ne m’a remboursé que 300$ pour la couronne et j’ai du payer les 1 200$ restant. Donc en tout, j’ai dépensé 1 500$ de ma poche pour une dévitalisation et une couronne. Et si pendant le reste de l’année j’ai besoin de soigner une carie ou autre, je devrais payer les frais à 100%. J’attend maitenant de rentrer en France pour mes soins dentaires.